Chère Florence,
Je me permets de t’écrire cette petite lettre pour enfin te remercier de m’avoir fait rire le 19 novembre 2014. C’est ton boulot, tu me diras, et puis franchement j’aurais pu te remercier avant… Mais comme dirait l’autre, mieux vaut tard que jamais.
Des places pour ton spectacle : c’était un de mes cadeaux de Noël 2013. Parce que j’aime bien rigoler –woooooooow !- et parce que tu me fais bien rigoler avec ton sketch du jour de l’accouchement tout pourri au cours duquel, à part la femme afghane séquestrée violée par son oncle, personne ne peut objectivement passer une bonne journée. Alors on a pris pleins de places avec des copains, tout devant s’il te plaît pour bien profiter et passer une bonne soirée. Et puis en mai 2014 j’ai appris que j’étais enceinte. Il faut bien rigoler enceinte, car le jour tout pourri de la femme-afghane-séquestrée-violée-par-son-oncle, c’est pour bientôt. Et en novembre, j’en serais à peine à 7 mois de grossesse alors rigoler assise sur une chaise, ça devrait être à ma portée.
Et puis boum, pif, paf, pan dans ma face, dans la sienne, dans la nôtre. Un bus ? Même pas, mais j’accouche le 5 novembre. La tuile. Pardon, d’habitude on dit génial, c’est une expérience formidable sinon l’espèce humaine s’éteindrait bien sûr, tu nous l’as dit en plus dans ton sketch. Bref, je ne savais même pas que c’était possible, ni qu’on pouvait en survivre. Et puis il survit ce petit bébé. Mais dans quel état ? On ne le sait toujours pas ce 19 novembre 2014. Une journée bien pourrie au cours de laquelle on change de service, je ne peux même pas le prendre dans mes bras, on attend seuls dans les couloirs du service réanimation pédiatrique à suivre le va-et-vient du personnel.
Alors on se retrouve avec nos places de spectacles pour aller voir Madame Foresti. On ne va pas y aller, on s’en fout de ce truc, il y a vraiment plus important pour le moment. Pas envie de se marrer. Et puis la chair de notre chair souffre, on ne va pas s’éclater avec les copains pendant ce temps, ce serait complètement indécent.
Et puis les copains insistent. Notre bébé ira-t-il mieux si on ne va pas à ton spectacle ? Que fera-t-on ce soir-là à part rentrer chez nous comme des âmes en peine ? Le zénith n’est-il pas à quelques centaines de mètres de l’hôpital ? On peut même refaire un coucou à notre petit en sortant avant de rentrer chez nous. Hmmmm. Au pire on partira au milieu du spectacle… Va pour la sortie comique. Wooooooooooow ! (imagine ta femme afghane après son viol qui vient à ton spectacle….). Je n’oublierai pas, en arrivant, les gentils copains qui, normal, nous demandent des nouvelles. J’éclate en sanglots. Je me dis que là, Florence, t’as intérêt à assurer parce qu’on part de loin.
C’est là que t’as commencé avec tes postures de yoga (plutôt bien exécutées d’ailleurs héhé !). Ta quarantaine de looseuse qui nous guette tous. Ca m’a pris 5 minutes pour essayer de me concentrer mais tu sais quoi ? je me suis laissée embarquer par ton spectacle. Mieux : bordel, je me suis vraiment bien marrée. Encore mieux (sisi): ça m’a fait un bien fou ! Une déconn’exion de deux heures dans un endroit où des milliers de personnes se marrent –et une petite en noir s’agite 😉 –dans le contexte, ça paraît surréaliste. Tu sais la « rigolothérapie » là, les trucs comme ça où les gens se retrouvent pour se marrer comme des débiles pour aller mieux, ben ça doit marcher en fait ! Tant pis pour l’indécence.
Le soignant panse les plaies. L’artiste panse les âmes. Et mon âme en peine est ressortie de ton spectacle avec le sourire. Je n’ai pas oublié mon fils, j’ai repris des forces pour mieux le retrouver le lendemain. J’ai eu honte de perdre deux heures à ses côtés, mais j’ai eu le sentiment d’avoir gagné du courage pour la suite. Nul n’est parfait. Tout ce que je sais c’est qu’aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir essayer d’être la mère parfaite de ton sketch, tout en ressemblant plus à toi la ratée. Mais que c’est même pas grave car nous ne sommes pas seules ! Tout cela valait bien une place de spectacle, motherfucker !
La bise de la maman des crevettes
PS : Ironie du sort : je crois que j’ai accouché de rire après une soirée passée à trop rigoler (poche des eaux crrrrrrac…) mais pour le coup tu n’y es pour rien.
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